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SOCIETE HISTORIQUE DU VIe ARRONDISSEMENT

Les lieux, édifices et monuments

Caserne des pompiers de la rue du Vieux-Colombier

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La caserne des pompiers de la rue du Vieux-Colombier

 

La caserne des sapeurs-pompiers de Paris établie au n°11 de la rue du Vieux-Colombier est bien connue des habitants du 6ème arrondissement. D'origine beaucoup plus ancienne que la plupart des casernes parisiennes, ce bâtiment d'apparence austère n'a pas toujours abrité nos populaires soldats du feu. Comme tant d'édifices abritant des établissements publics, tel, à deux pas de là, l'ancien séminaire de la place Saint-Sulpice occupé par l'administration des Finances, on y trouve au départ une institution à caractère religieux.

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La caserne de pompiers du 11, rue du Vieux-Colombier. Carte postale début XXe, doc. Sh6.


Le 17ème siècle, si dur aux déshérités, et pour cette raison même, fut propice à la création d'institutions destinées à leur venir en aide, souvent à l'initiative des paroisses, parfois aussi de religieux ou de religieuses. On pense à Saint Vincent de Paul, mais il ne fut pas le seul, loin de là. Ainsi, à la même époque, le curé de Saint-Sulpice, Jean-Jacques Olier de Verneuil, se préoccupe de l'instruction des enfants pauvres de sa paroisse. Mais c'est son successeur, Alexandre Le Ragois de Bretonvilliers, qui aura les moyens matériels de développer son œuvre (1).

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Alexandre Le Ragois de Bretonvilliers, doc. Sh6.


Le dimanche 2 mai 1655, entouré de ses marguilliers, il reçoit une donation des frères Nicolas et Simon de Baussancourt, bourgeois de Paris, apothicaires de feue la reine Marie de Médicis et présentement du roi Louis XIV. Il s'agit « d'une petite maison à eux appartenant à l'entrée de la rue de Grenelle, pour y loger les pauvres filles orphelines de la paroisse Saint-Sulpice, et y établir une école chrétienne » (2). Les donateurs précisent les conditions, assez restrictives et très révélatrices de la morale de l'époque, de leur donation : les bénéficiaires seront « natives du faubourg Saint-Germain, nées en légitime mariage, et abandonnées de leurs parents ». Les bâtardes en seront donc exclues, tout comme, apparemment, les enfants trouvés. De plus elles ne seront « admises que depuis l'âge de 6 à 7 ans, pour y être élevées en instruction jusques à l'âge de 14 ou 15 ans au plus ». Les modalités de leur accueil sont également détaillées : « Elles seront rassemblées et recueillies sous la conduite des dames qui en prendront soin, par ordre du sieur curé et de ses successeurs curés seulement ». Le contrat prévoit aussi la présence d' »une maîtresse d'école en ladite maison, qui y aura son logement, pour instruire les pauvres filles gratuitement, sans qu'elle en puisse recevoir qui aient moyen de payer ». Les droits de propriété et de jouissance de l'immeuble sont transférés à la fabrique de la paroisse à titre « définitif et irrévocable ». On verra ce qu'il adviendra au moment de la Révolution … La donation est officiellement enregistrée au greffe du Châtelet le 9 février 1656. Il faudra attendre l'année suivante pour qu'en avril 1657 la demoiselle Anne de Vallois soit agréée comme première institutrice. D'autres personnes pieuses s'intéressèrent à cette initiative, dont une demoiselle Leschassier, mentionnée à différentes reprises dans les ouvrages biographiques consacrées à Jean-Jacques Olier, le prédécesseur d'Alexandre Le Ragois de Bretonvilliers.

Les contrats les mieux rédigés ne pèsent guère face aux caprices des hommes. Un obscur litige oppose bientôt Nicolas de Baussoncourt (Simon étant décédé peu après la donation) à la fabrique de la paroisse (3) qui, en contravention apparente avec les termes de la donation, vend en 1661 la maison de la rue de Grenelle. La raison pourrait en être les difficultés financières rencontrées par la fabrique à cette époque. S'en suit un procès qui durera jusqu'en … 1700, avec à la clé le versement au bénéfices de l'établissement des orphelines d'un capital converti en rente. Mais la conséquence la plus radicale du litige aura été l'expulsion par l'acquéreur des jeunes occupantes de la maison de la rue de Grenelle. En attendant mieux, une paroissienne, Mme de l'Esturgeon, met à leur disposition un local provisoire rue du Petit-Bourbon.

En 1678 enfin la fabrique achète une grande maison rue du Vieux-Colombier et y installe les orphelines de la paroisse et leurs enseignantes, le tout officiellement reconnu en mai 1678 par lettres patentes enregistrées au Parlement le 24 mars 1679. On parle bientôt de la Maison des Orphelines de la rue du Vieux-Colombier, ou de Maison des Orphelines de la Mère-de-Dieu.

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Lettres patentes d’établissement de la maison de charité, rédigées en mai 1678. Doc. Sh6.

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Invitation de la part de la marquise d’Ambre, mère supérieure de la « maison de charité des pauvres enfants orphelins », en 1759. Doc. Sh6.

 

Un changement important survient à cette occasion : l'établissement s'ouvre désormais indifféremment aux garçons et aux filles, sans d'ailleurs que sa dénomination s'en trouve modifiée. Autre évolution notable, au fil des années l'enseignement est complété par l'apprentissage d'un métier, non sans arrière-pensées financières d'ailleurs, comme en témoigne un document de 1778 émanant de la fabrique : « Le travail auquel on les appliquera mettra la maison en état d'en recevoir un grand nombre en multipliant ses ressources, et la rendra un des établissements les plus intéressants qu'il y ait à Paris ». La rançon du succès est l'exiguïté des locaux. En 1780 la fabrique achète la maison voisine. Elle a de bons négociateurs en son sein et obtient l'exonération des droits de mutation à condition que l'établissement accueille également les orphelins jusque là pris en charge directement par l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés.

 
La gestion de deux maisons voisines mais dissemblables n'est pas chose facile, aussi décide-t-on de reconstruire le tout. Pour financer l'opération, on fait appel à la générosité des paroissiens. Le nouveau bâtiment est terminé en 1781 : c'est, à peu de choses près, celui que nous connaissons aujourd'hui.
Arrive la Révolution. L'immeuble, comme l'ensemble des constructions dépendant de la paroisse, est déclaré « bien national » et sa propriété est attribuée à l'administration des Hospices. Plus grave, l'établissement est fermé. On ne sait ce que sont devenus ses petits occupants. Le calme revenu avec le Consulat, et avec lui la paix religieuse sanctionnée par le Concordat, l'immeuble est affecté en 1802 aux Sœurs de la Charité, retrouvant sous une autre forme sa vocation d'aide aux déshérités. Elles y restent jusqu'en 1813, date de leur transfert rue du Bac, où elle se trouvent encore aujourd'hui. L'immeuble reste un temps inoccupé.


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La salle des classes, montrant l’ancienne chapelle. Gravure de 1885, Doc. Sh6.

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Cour du gymnase et des pompes, gravure de 1885. Doc. Sh6.


Après deux incendies survenus en 1810, l'un au château de Saint-Cloud en sa présence, l'autre à l'ambassade d'Autriche où l'on déplora une centaine de morts, Napoléon Ier s'intéresse au fonctionnement de ce qu'on appelait alors les gardes-pompiers de la capitale. Il décide de les incorporer dans la structure militaire. Le décret impérial du 18 septembre 1811 crée le bataillon de sapeurs-pompiers de Paris. Il faut leur trouver des casernements. L'immeuble de la rue du Vieux-Colombier, qui vient d'être libéré, fait bien l'affaire. L'administration des Hospices le loue en 1814 à la ville de Paris qui y installe deux compagnies de sapeurs-pompiers, avant de le racheter en 1823. Depuis bientôt deux siècles les lieux ont connu bien des aménagements intérieurs pour les rendre propres à la mission de leurs occupants, mais en 1881 il semblerait que des progrès restaient à faire.

La Maison des Orphelines de la Mère-de-Dieu ne doit pas être confondue avec le couvent des Filles de Notre-Dame-de-la-Miséricorde, qui se trouvait également rue du Vieux-Colombier, mais sur le trottoir opposé, à peu près à l'angle de la rue Madame, et dont il ne resta aujourd'hui aucune trace (voir article Filles de Notre-Dame-de-la-Miséricorde).


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Plan de Verniquet, les deux institutions rue du Vieux-Colombier. (doc. Christian Chevalier).


Rochegude en particulier, dans ses Promenades dans toutes les rues de Paris, a commis cette erreur.

JPD

(1) Jean-Jacques Olier, malade, démissionna en 1652. Il mourra en 1657.

(2) Pour l'ensemble de cet article on se reportera utilement à la communication de Paul Fromageot, publiée dans notre bulletin tome II de l'année 1899, consultable à la permanence de la société.

(3) La fabrique d'une paroisse était l'entité chargée de son administration et tout particulièrement de la collecte et de l'emploi des fonds et revenus nécessaires à la construction, l'achat et l'entretien des bâtiments et du mobilier. Les personnes qui la composaient constituaient le conseil de fabrique et étaient souvent appelées « marguilliers ».

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