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SOCIETE HISTORIQUE DU VIe ARRONDISSEMENT

Les lieux, édifices et monuments

Childebert, la rue disparue

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CHILDEBERT, la rue disparue

 

Ne cherchons plus la petite, mais grouillante, rue Childebert : créée au pied de l’église Saint Germain des Prés dans l’enclos de l’abbaye par le cardinal Thiard de Bissy au début du XVIIIe siècle (voir le bulletin de la Société Historique du 6eme....), elle fut éventrée une première fois en 1852 par le percement de la rue Bonaparte, puis avalée en grande partie par la nouvelle rue de Rennes, enfin le percement du boulevard Saint Germain eut raison du petit bout qui en restait coté Est.

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Fond de plan Vasserot, levé entre 1810 et 1836 (rues Childebert et d‘Erfurth), avec en jaune les nouvelles voies. Doc. Christian Chevalier.


Dans la perspective de toutes ces démolitions, les maisons de cette rue condamnée n’étaient plus que ruines au milieu du XIXe siècle, beaucoup étaient « squattées » par des étudiants des Beaux-arts, dont une célèbre maison au numéro 9, surnommée « la Childebert ». Privat d’Anglemont chroniqueur du temps, nous la décrit comme « un vaste capharnaüm composé de chambres de garçons du sol jusqu’aux combles ».

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La rue Childebert vers 1867 prise par Marville. La photographie est prise vers l'ouest, on y reconnait la rue Bonaparte (vers la droite on se rendrait vers la place Saint-Germain-des-Prés). Au fond la petite rue Sainte-Marthe, en impasse. Tout ce que l'on voit est démoli. Photo Vergue.com


La jeunesse y régnant, la rue Childebert était soigneusement évitée des riverains : « Il en sortait des bruits, il s’y faisait des choses qui eussent suffi, au moyen-âge, pour la faire abattre et remplacer par un champ de sel ». Et pour les bourgeois qui devaient néanmoins y passer pour se rendre à l’église, le risque y était fort d’y croiser aux beaux jours des modèles déguisés en faune ou même dans le plus simple appareil.

Un jour, alors que l’évasion d’un fauve du jardin d’acclimatation défrayait la chronique, les étudiants capturèrent un dogue blanc, le travestirent en fauve et lui attachèrent une casserole à la queue : la panique qui en suivit fut mémorable !

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Rue Childebert, le dogue déguisé en fauve. Doc. Christian Chevalier.

Ce bloc de maisons était une véritable communauté d’étudiants des beaux-arts et d’artistes, qui souvent organisaient de célèbres fêtes, toutes portes ouvertes et avec force musique, « c’était jour de gala ». On raconte que l’un d’entre eux, se voyant refuser un accès, et réputé passablement plus éméché que les autres, ce qui ne devait pas être rien au vu de l’alcoolémie généralisée, mit le feu à une porte avec une poignée de copeaux.

L’état de la plupart des appartements était bien sur déplorable, la moitié des fenêtres étaient obstruées, les toits fuyaient, et certains escaliers menaçaient de s’effondrer : Privat d’Anglemont nous raconte qu’un artiste dut en venir à une solution quelque peu brutale pour tenter de raisonner une propriétaire récalcitrante à réaliser quelques travaux d’étanchéité du toit : après avoir enlevé deux carrelages à un étage élevé, il fit venir un porteur d’eau chargé de vider ses réserves quotidiennement jusqu’à ce que la tenancière veuille bien céder, ce qu’elle fit, dit-on ...

Une dernière blague croustillante, « vers 1840, deux malheureuses femmes, la mère et la fille, eurent la malencontreuse idée de venir habiter l’entresol. Le lendemain de leur installation, un visiteur sonne à la porte des deux dames. L’une d’elles, la plus jeune probablement, ouvre et recule aussitôt jusqu’au fond de la chambre en poussant des cris d’épouvante ; la mère accourt, et se trouve face à face avec un vilain homme tout nu, velu comme un renard, qui lui dit poliment : — Madame, n’est-ce pas ici qu’on a demandé un saint Jérôme ? »….

Notons que la rue se terminait à l’Est en face de la porte Sainte Marguerite de l’église, elle s’arrêtait face à la rue d’Erfurth, une courte rue également avalée par le boulevard Saint Germain qui prolongeait la rue des Ciseaux vers l’église.

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L’extrémité est de la rue childebert prise de la rue d'Erfurth, doc. Christian Chevalier.

Au carrefour de ces deux voies, les bâtiments présentaient de part et d’autre de la rue Childebert deux pans coupés cintrés avec en leur centre deux fontaines en niches en demi-cercles : ces fontaines ont été démontées et conservées, l’une d’elles a été remontée dans le square Monge.

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Une des deux fontaines, dite fontaine Childebert, avant son transfert dans le square Monge. Doc Sh6.

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La rue d'Erfurth et la fontaine Childebert vers 1867.
A droite l'ancienne rue Childebert. Le photographe, Marville, se trouverait actuellement sur le boulevard Saint-Germain, l'église derrière lui.
Seules parties conservées, la rue Gozlin et la rue des Ciseaux et tout au fond, la rue du Four. Photo Vergue.com


CCh
 
Références :
  • L’histoire de la création de cette rue : bulletin de la Société historique du VIe n° 18 (Années 2000-2001-2002) : Le cardinal Henri Thiard de Bissy, abbé de Saint-Germain-des-Prés, par Bernard ALIS.
  • De très belles photographies de Marville, prises avant les démolitions, sur le site Vergue :
  • Le livre de Privat d’Anglemont : « Paris anecdotes », publié en 1854, réédité et remanié en 1861 sous le titre Paris Inconnu (disponible sur Google-books).

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