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SOCIETE HISTORIQUE DU VIe ARRONDISSEMENT

Les lieux, édifices et monuments

Le mystère de la rue de l'Hirondelle

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Le mystère de la rue de l'Hirondelle

 

Maître Dumas, un homme prodigieusement riche ...

 

Le mystère de la rue de l’Hirondelle, c’était au 20.

Dans la maison dite de François Ier, rue de l’Hirondelle, vivait au commencement du XVIIIe siècle un homme prodigieusement riche, Maître Dumas, ancien procureur au Châtelet.

Il hébergeait sa fille, son fils, et une pauvre servante, appelée Margariton, payée douze écus par an tellement l’homme était pingre : outre la cuisine, le service des chambres, le nettoyage des souliers, des hardes du Maitre et de la maison entière, elle devait raccommoder, blanchir, repasser le linge fin, pétrir le pain et aller chercher l’eau à la rivière. Elle devait aussi soigner la mule, accompagner la fille de la maison lors des offices (elle allait à Notre-Dame), et à l’occasion de toutes ses visites dans le quartier.

Maitre Dumas était donc riche, d’un commerce qu’on disait avec le diable tant on ne le voyait jamais honorer ses devoirs de chrétien : pas de confesseur ni de directeur de conscience, et pour compléter le tableau, il était connu pour pratiquer la magie, ce qui accréditait toutes ces rumeurs. Il s’était fait disposer une chambre tout en haut de la maison, pleine de livres, et d’où il examinait les astres, plus en astrologue qu’en astronome : il dressait secrètement des thèmes de naissance et nombre de personnes également impies, venaient chez lui à consultation nuitamment.

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Chaque vendredi, à trois heures précises de l’après-midi, Maître Dumas montait s’enfermer à double tour dans sa chambre haute, et quelques minutes après, on entendait dans la rue le trot pesant d’une énorme mule s’arrêter devant le logis du vieux richard.

Cette mule aurait été la plus belle du monde si elle n’eût porté sur le coté gauche une énorme blessure haute et sanglante qui faisait horreur. Un cavalier de stature et de corpulence à ne pas faire déshonneur à la bête la chevauchait. Il avait fière allure mais son front portait l’empreinte de trois blessures si rouges et si vives qu’on eut dit trois charbons ardents incrustés dans la chair. Leur aspect épouvantait tant qu’on détournait la tête à leur passage.

Depuis trente ans (Dumas en avait alors quatre-vingt-dix), ils venaient et repartaient on ne sait d’où et où : souvent quidams avaient tenté de les suivre, en vain : on perdait toujours leur trace au niveau du cimetière des Innocents.

Une fois arrivés chez Dumas, la mule demeurait, sans être attachée, dans la cour de la maison, et le cavalier volait tout droit à la salle haute et s’enfermait avec l’ancien Procureur derrière la porte doublée de fer des deux cotés, passait une heure avec lui puis s’en retournait et repartait au grand trot. Qui sait ce qu’il y faisait et où il allait ...

Maître Dumas ne redescendait qu’à la cloche du souper.

Ce manège et cette maison faisaient copieusement jaser dans le quartier : le fils, la cinquantaine, ne cessait d’annoncer un mariage qui ne vint pas, et sa sœur, de quarante cinq ans, restait dévote, acariâtre et intolérante. Quand à Maître Dumas, il affectait une extraordinaire santé malgré son âge, et sans cernes autour des yeux, on le disait même libertin, Monsieur le Curé de Saint André des Arts lui ayant fait plus d’une fois remontrance de ses paillardises.

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L’église Saint André des Arts (démolie)

Un matin, le 31 Décembre 1700, c’était un Mercredi, vers 17 heures, on entendit le pas lourd de la mule dans la petite rue de l’Hirondelle : l’inconnu monte alors au cabinet de Maître Dumas, qui ne l’attendant pas, pousse un cri horrible. Des éclats de voix se font entendre longuement, enfin l’homme et la mule prennent le large avec la plus grande rapidité.
Lorsque le Procureur descendit à son tour, ses enfants eurent peine à le reconnaitre, le vieillard d’ordinaire si vigoureux et ferme avait la face livide, molle, ridée et cadavéreuse. Les yeux éteints il ne resta pas dîner, il désira remonter dans sa chambre secrète mais il fallu le hisser avec peine, sans qu’il ne puisse maintenant redescendre seul. Il demanda qu’on vint le chercher à quatre heures, et son fils, d’après son ordre, l’enferma à double tour.

Que ce passa t’il dans cette chambre ? Nul dés lors ne put le dire.

A quatre heures, le fils vit entrer dans son logis un audiencier, ami de son père, qu’il pria de bien vouloir l’aider à faire redescendre le vieillard. Ils ouvrirent la porte ... entrèrent ...
La pièce était vide, le Maître avait disparu ....

On chercha alors avec un soin extrême, faisant venir maçons, menuisiers, terrassiers, charpentiers qui sondèrent la chambre dans toutes ses parties : nulle trace d’une issue mystérieuse, et les investigations des plus actives de la police ne purent alors rien découvrir. Le mystérieux cavalier n’apparut plus jamais et on finit même par l’oublier.

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Néanmoins la mémoire de cet événement ne fut pas complètement perdue : cinquante ans après, voici ce qui arriva.



La mystification royale.

 

Le maréchal de Villeroy, « aussi ridicule que la plus sotte des nourrices » (sic), avait, au lieu d’écarter toute crainte superstitieuse de son royal élève, constamment entretenu de stupides frayeurs dans l’esprit du futur Louis XV sur le chapitre des revenants ; dans les histoires les plus effrayantes que ce dernier avait goûtées, figurait en bonne place celle de Maître Dumas ... Devenu roi, il la raconta un jour en présence du comte de Saint Germain, un homme trouble dont on connaissait les prétentions à bien connaître la science surhumaine. Prenant un air mystérieux le comte se proposa alors de révéler au roi des particularités de cette histoire connues de lui seul, disait t’il.

La Pompadour, présente, encouragea le roi à lui donner la parole, et le cercle applaudit.

Après avoir tracé mystérieusement, cercles, lignes et autre figures cabalistiques, le comte livra ses « secrets » :
- Sire, les ouvriers qui ont cherché Maître Dumas, ou bien ne possédaient que médiocrement les connaissances nécessaires ou bien devaient être intéressés à ce que cette trace soit ignorée. Dans un angle de la chambre une feuille de parquet est mobile et recouvre un escalier à vis enfermé au travers de tous les planchers et qui mène à un caveau : c’est là qu’à l’aide d’une liqueur qui lui rendit force, Maître Dumas descendit, avala une potion puissante et ne s’éveilla plus ...
- C’était donc le diable qui lui rendait visite ?
- Sire, en répondant je m’exposerais à de graves dangers... et il se tût.

Ne voulant en rester là, la Pompadour écrivit donc au lieutenant de police, qui fort des nouvelles informations, des procès verbaux l’attestent, dit retrouver tous les éléments cités, et dans la chambre souterraine assura avoir découvert le cadavre de Maître Dumas encore vêtu, avec à ses cotés une coupe d’agate brisée et un flacon de verre qui contenait encore un sédiment d’opium ...

Mais qui donc peut croire à un escalier à vis descendant à travers tous les étages d’une maison ! Cette « jonglerie », fut donc très probablement concertée entre la marquise, le comte et le lieutenant de police, ce qui eut l’effet recherché de grandir la confiance du roi, dupé, envers le comte de Saint Germain.

Mais si le roi Louis XV fut réellement joué dans cette affaire, la réelle disparition du procureur n’est pas une légende, elle demeure inexpliquée.


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L'hôtel de la salamandre.

 

Ce mystère eut pour théâtre la maison sise aux numéros 20 et 22, rue de l’Hirondelle, un ancien hôtel dit de François Ier, complètement remaniée à la fin du XVIIIe siècle, à la faveur d’un hôtel meublé dit Hôtel de la Salamandre. Les deux bas reliefs qui l’ornent, l’un sur la porte le deuxième après la cour, et qui représentent une salamandre sont peut-être issus du démantèlement de premiers bâtiments, ou plus probablement, sont des répliques destinées à faire perdurer la légende du lieu.

 

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Porche du 20, rue de l’Hirondelle (photo Christian Chevalier).

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Cour du 20, rue de l’Hirondelle (doc. Sh6).

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Le texte de ce « mystère » est tiré et résumé des : Mémoires des Archives de la Police de Paris, pour servir à l’histoire de la Morale et de la Police, depuis Louis XIV jusqu’à nos jours. Par J. Peucher, archiviste de la Police, 1838, TI, p231.

CC

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