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Petit journal du confinement - No 27

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27 01 2021

Lecture et rêveries pédagogiques

 

Début du confinement, étrange et surprenant, je ne sais même plus par quoi commencer tellement j’ai de projets ! Mener à bien la publication de notre Bulletin m’astreint comme les « actifs » au télétravail, d’autres obligations pour d’autres associations, des rendez-vous « à distance » avec famille et amis. À plus tard, les rangements … sans cesse repoussés !


Le premier soir, je regarde ma table de nuit : 9 « pavés » non lus ! J’aime lire, j’achète des livres, on m’en offre… Mais encore faut-il trouver le temps de les lire ! Dois-je avouer que je jauge d’abord la taille et le poids de chaque livre ? un léger dans mon sac, je peux lire dans le bus, le métro, les salles d’attente : il m’est arrivé de sauter ma station ou de regretter que mon dentiste n’ait pas plus de retard ! Quant aux plus épais, ils s’empilent !


Le confinement s’annonce long. Dans notre rue, le temps passe et lui seul. Notre appartement sans balcon est mal orienté, quel dommage : il y a du soleil en ce printemps naissant ! Donnant sur une petite cour sans arbre, entourée de grands immeubles mais dardée des rayons du soleil une grande heure le matin, une petite chambre très encombrée depuis l’envol de nos enfants. Quelques aménagements. J’ouvre la fenêtre et, confortablement installée, je lis chaque matin. Aujourd’hui 16 mai, je viens d’achever, avec un réel plaisir, la lecture des 4 582 pages qui m’attendaient, certaines depuis 3 ans ! Je revis ! Le confinement m’a permis de voler le temps de lire pour mon plaisir ! Se plonger dans un livre, c’est entrer dans un autre monde, découvrir des « mondes possibles », les partager. La lecture, c’est l’école qui m’en a donné la clé.


L’école, la covid-19, on ne parle plus que d’elles dans les médias. « Aucun élève ne sera laissé sans solution pédagogique » affirment nos autorités. L’école s’étant spontanément approprié le monde numérique, les professeurs, innovent, font des prouesses techniques pour, depuis leur domicile, offrir à leurs élèves l’école à distance et parfois même dialoguer avec eux par visio-conférence. « En présence », un professeur entre en scène, joue, voit les réactions de son public captif et, sans même besoin de questions,modifie son enseignement s’il le faut. « À distance », retient-il à travers l’écran l’attention de son public dispersé ? est-il lâché au milieu de son cours ? Que faire pour les « décrocheurs », élèves éloignés du numérique (ni réseau ni tablette ni smartphone individuel) ou distants de l’école par tempérament et inclination ou détournés de l’étude par un environnement peu favorable ? Suivent-ils, au moins,ces cours de grande qualité que dispense la télévision publique ?



Et sans le numérique ? et si l’école avait été fermée quand j’étais enfant ? qu’aurions-nous fait, mes sœurs, frères et moi ? chez nous pas de télévision. Je me souviens, j’imagine.


Ce qui m’aurait sûrement le plus manqué, ce sont les quatre traversées quotidiennes du « Luco », de la grande entrée place Edmond-Rostand à la petite porte (désormais condamnée) du lycée Montaigne avec leurs deux arrêts incontournables de l’après-midi : l’achat au petit kiosque d’une boule changeante ou d’un caramel à 1 F, parfois d’un carambar à 5 F, rarement d’un mistral gagnant à 10 F ; le jeu de billes après la classe au pied des grilles donnant sur les « petits Luxembourg » : pas de pelouse à l’époque mais de la terre battue, réservée en semaine aux cours de « gym » et de ballon-prisonnier des élèves du lycée, fort nombreux avec leurs 50 élèves par classe primaire et 48 par classe secondaire de filles de 6e et 5e et de garçons de 6e à 3e.


Le confinement à la maison ? Dans une famille nombreuse, on ne manque ni de jeux ni d’occasions de rire ou de se chamailler. Et le travail scolaire ? Qu’aurions-nous fait sans le maître ni le tableau ? il nous restait le livre et le cahier. Quelle place auraient prise nos instituteurs et professeurs dans ce dispositif : Mme Michel, M. Parot, Mlle Fée, M. Clarac, M. Dumaine et tant d’autres, attentifs et bienveillants, qui jouissaient d’un immense prestige ? Nul doute qu’ils auraient été très présents : combien de pages noircies et corrigées ? la Poste mise à dure épreuve ! Je nous imagine rassemblés autour de la table familiale pour la dictée quotidienne, les exercices des livres de calcul et de grammaire. Bonne conteuse, ma mère nous aurait fait avaler histoire, géographie et sciences naturelles de quatre niveaux différents. J’aurais lu, beaucoup lu, beaucoup raconté, inventé et écrit.



Une solution pédagogique pour chaque élève ? comment faire pour ne pas laisser sur le chemin ceux qui ne disposent pas de l’outil numérique pour accéder à l’information ou qui ne veulent pas l’utiliser ? que reste-t-il ? le livre, facile d’utilisation même pour ceux qui ne savent pas encore lire et ceux qui déclarent ne pas aimer lire. Il suffit de l’ouvrir n’importe où, n’importe quand, n’importe comment. Il suffit de le fermer … si on a mieux à faire.


Chaque élève, selon les modalités établies par l’établissement - et en respectant les gestes barrières -emprunte un livre ou plusieurs. Tout livre est bon à lire (ou à feuilleter si on ne sait pas lire), images, conte, bande dessinée, roman, histoire, policier, science-fiction, documentaire, catalogue de voyage ou de vente, illustré, dictionnaire. Qu’importe, du moment qu’on peut s’y plonger ! Le livre, c’est l’élève qui le choisit lui-même : la lecture est un plaisir quand le livre n’est pas imposé ! Ce qui est imposé, c’est rendre au professeur une preuve de cette lecture. Selon son âge, ses « compétences », son intérêt, l’élève décide lui-même du devoir qu’il rendra : un résumé, une explication de ce qu’il a aimé ou non, l’invention d’une suite ou d’une autre fin ; un dessin ; un objet fabriqué pour l’illustrer ; un exposé dans une autre langue ; un problème que le professeur devra résoudre et qui aura fait appel à une notion de mathématique, physique, chimie, technologie, géographie, sciences et vie de la terre ! Selon l’entourage familial, l’élève peut aussi raconter le livre, le lire à haute voix, le mettre en scène ou en pratique. Accès à l’information et application du « programme » délaissés par les décrocheurs au profit de l’accès à la connaissance et l’apprentissage par le divertissement !


Lire, ce n’est pas déchiffrer ni même seulement comprendre, c’est être attentif, se représenter ce qu’on lit, mettre en rapport avec ce qu’on sait déjà, se confronter avec ce qu’on ne connaît pas, c’est aussi expérimenter, démontrer, s’exercer.


Une école pour confinement, école par le livre, école pour tous réalisée par chacun ! Quel temps gagné pour acquérir savoir, autonomie et liberté de pensée ! Une utopie ?

 

 

Marie-Claude Delmas

 

3 juillet 2020
L’école est finie ! Vive les vacances !

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