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SOCIETE HISTORIQUE DU VIe ARRONDISSEMENT

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La Gazette - N° 19 - 2019- 1er trim

La Gazette - N° 19 - 2019- 1er trim

Le billet du trimestre

Du nom des rues …

Partout et de tout temps les autorités municipales ont souhaité honorer la mémoire d'une personnalité, nationale ou locale, en donnant son nom à une voie de leur commune. La pratique s'est développée dans la première partie de la IIIe République (Gambetta, Thiers, etc.) et s'est amplifiée après les deux guerres mondiales, avec les noms des grands généraux (Foch, Joffre, Leclerc, de Lattre… ) ou responsables politiques (Clemenceau, de Gaulle, … ). Cela est sans conséquence lorsqu'il s'agit d'une voie nouvelle. En revanche le changement de nom d'une voie existante peut contribuer à effacer l'empreinte d'un passé que seule l'ancienne dénomination préservait.
Prenons le cas de notre arrondissement. Si un quai et une rue ne s'appelaient pas « des Grands-Augustins », qui se souviendrait de ce couvent au bord de la Seine dans lequel se tinrent, entre autres, les États généraux de 1614 ? La rue de l'Ancienne-Comédie rappelle l'existence d'un théâtre qui, pendant près d'un siècle, abrita les Comédiens français. Mais cette dénomination a effacé la précédente, « des Fossés-Saint-Germain », qui évoquait le sentier qui longeait les remparts de Philippe Auguste, puis le fossé qui protégeait l'enceinte de Charles V. Les rues Monsieur-le-Prince et de Condé témoignent de la présence, à leur angle, du magnifique hôtel des princes de Condé, dont il ne reste aucun vestige. Il en va de même pour la petite rue des Chartreux, qui entretient le souvenir du grand couvent qui s'élevait alentour. Inversement de grands édifices sont aujourd'hui totalement oubliés, faute d'avoir leur nom donné à une rue : c'est le cas de l'hôpital de la Charité, à l'emplacement de la nouvelle faculté de médecine rue des Saints-Pères, ou du palais de la reine Margot, dont le seul élément subsistant, la belle chapelle octogonale, est incorporé dans les constructions plus récentes de l'École des beaux-arts et de la rue Bonaparte qui l'occultent entièrement.
Certes les villes d'aujourd'hui se sont nourries des destructions de celles d'hier. Le Paris du Moyen Âge a été balayé par l'urbanisation des XVIIe et XVIIIe siècles, Haussmann s'est chargé de poursuivre le travail, et notre époque n'est pas toujours en reste. Reconnaissons que cela nous a donné le palais de l'Institut, l'hôtel de la Monnaie, notre église Saint-Sulpice, d'autres encore, qui font notre fierté. Et puisqu'en début d'année il est d'usage de formuler des vœux, faisons celui de rester attentif, chaque fois que l'évolution naturelle des choses conduit à envisager un changement de dénomination, à explorer concomitamment la meilleure manière de conserver la trace de ce qu'on s'apprête à débaptiser. Du passé, ne faisons pas totalement table rase ...

En bref …

Comme le prévoient nos statuts, le conseil d'administration renouvelle chaque année le bureau de la société, ce qu'il a fait lors de la séance du 12 décembre dernier. Après douze années passées au poste très astreignant de secrétaire général, M. Duquesne a souhaité prendre un peu de recul. Après avoir coopté comme administrateur M. Lerebours-Pigeonnière (cette mesure a été soumise à ratification lors de l’assemblée générale), le conseil l'a nommé secrétaire général. Nous lui souhaitons une pleine réussite dans cette fonction centrale. M. Duquesne reste administrateur et continuera notamment à assurer le suivi des adhésions, à contribuer à la rédaction de cette lettre électronique et à rédiger des articles pour le site internet. À noter à ce sujet la contribution essentielle de Christian Chevalier qui illustre les articles en puisant dans la très riche collection de notre société et tout autant dans sa non moins riche collection personnelle. Les autres membres du bureau ont été reconduits dans leurs fonctions. Que tous soient remerciés pour leur engagement dans la vie de notre société.

Notre société il y a cent ans

En ce début d'année 1919 la Société eut à cœur de poursuivre la reprise de ses réunions mensuelles amorcée à la fin de l'année précédente. Elles se tinrent régulièrement pendant le trimestre, le premier vendredi de chaque mois de 21 heures à 22 h 30, mais avec un effectif des plus réduits : quatre participants en janvier, cinq en février, six en mars. Deux faits marquants : la communication de Léo Mouton, vice-président, sur le n° 1 du quai Malaquais, dont l'emplacement fut la propriété de la reine Margot et dont, plus près de nous, l'hôtel actuel fut habité, entre autres, par le peintre Horace Vernet ; et l'hommage rendu par Pierre Vierge au jeune poète Gabriel-Tristan Franconi, natif et habitant de l'arrondissement, le seul membre de notre société tué à la guerre le 23 juillet 1918 dans la Somme à l'âge de 31 ans. Le texte de cet hommage a été publié dans notre bulletin n° XX (p. 75-84).

Notre arrondissement, il y a …

… deux cents ans … Le 27 janvier 1819 naissait à Douchy-les-Mines, dans le département du Nord, le sculpteur Charles-Alexandre Crauk, l'auteur du superbe ensemble de marbre blanc qui, depuis le 17 janvier 1909, orne la cour de notre mairie d'arrondissement, Le Combat du Centaure. C'est, avec le Monument à l'amiral Coligny, qu'on peut admirer rue de Rivoli au chevet du temple de l'Oratoire, son chef d’œuvre. Son atelier se trouvait dans notre arrondissement, 114bis rue de Vaugirard, au fond de ce qui s'appelle aujourd'hui l'allée Maintenon, dissimulée derrière l'immeuble moderne qui porte le n° 114. Dans notre arrondissement on lui doit également la jolie sculpture qui orne la petite fontaine dite « du bassin Soufflot », place Edmond Rostand, Le Crépuscule, dans les jardins de l'Observatoire, le fronton du musée du Luxembourg, visible de la rue de Vaugirard, ou les deux cariatides intitulées La Médecine et La Chirurgie qui ornent la façade de la faculté de médecine boulevard Saint-Germain. On trouvera l'article complet sur Gustave Crauk dans notre bulletin n° 27 Nouvelle série – Année 2014 (p. 197 et suivantes ).

… deux cents ans encore ... Le 26 février 1819 une cérémonie solennelle fut organisée en l'église Saint-Germain-des-Prés pour le transfert des cendres de René Descartes, dom Jean Mabillon et dom Bernard de Montfaucon dans la chapelle Saint-Benoît, dont le souvenir est matérialisé par trois tables de marbre noir adossées au mur. Si la présence des deux derniers, qui comptent parmi les plus brillants théologiens que la célèbre abbaye bénédictine ait hébergés dans ses murs, s'explique aisément, celle de Descartes est moins évidente. Mort en Suède où il s'était établi à l'invitation de la reine Christine, il fut d'abord inhumé dans l'église de l'abbaye Sainte-Geneviève, puis en 1792 au musée des Monuments français créé et dirigé par Alexandre Lenoir. Ses cendres furent ensuite transférées au début de la Restauration au couvent des Bernardins, avant de trouver enfin leur destination définitive à Saint-Germain-des-Prés. Le projet de la Convention, en 1792, de les transférer au Panthéon, resta sans suite. Signalons au passage que Bernard de Montfaucon est considéré comme le fondateur de la paléographie, à la fois de la discipline et du mot qui la désigne, et que son contemporain Jean Mabillon est celui de la diplomatique, à la fois de la discipline et du nom.

… cent cinquante ans … Le 14 janvier 1869 le public du théâtre impérial de l'Odéon assistait à une double première : Sarah Bernhardt, alors âgée de vingt-cinq ans, faisait ses grands débuts lors de la première représentation de la première œuvre théâtrale de François Coppée, Le Passant, une pièce en un acte et en vers dans laquelle elle tenait le rôle de Zanetto. Elle avait débuté dans ce même théâtre trois ans plus tôt dans la Phèdre de Racine où elle tenait le rôle d'Aricie, mais c'est cette création qui va lui apporter la célébrité. Dans sa dédicace à l'autre actrice de la pièce, la déjà très célèbre Agar, Coppée parle de « Mlle Sarah Bernhardt qui a bien voulu donner au rôle de Zanetto le prestige de son exquise beauté blonde et de son talent plein d'élégance et de grâce ». C'est une pièce à deux personnages, un très jeune troubadour sans attaches qui fuit l'amour de peur de perdre sa liberté, et une femme mystérieuse qui désespère de connaître un jour l'amour, les deux se croisant aux abords de la Florence de la Renaissance. Un instant attirés l'un vers l'autre, ils vont finalement poursuivre leur route chacun de son côté. Sarah Bernhardt inaugurait ses emplois masculins, trente ans avant L'Aiglon d'Edmond Rostand ; mais en 1869 elle était plus proche de l'âge du personnage qu'elle incarnait …
Quant à François Coppée, qui n'était son aîné que de deux ans, il était né au n°2 de la rue de l'Abbé-Grégoire et avait fait ses études au lycée Saint-Louis, avant d'occuper un emploi à la bibliothèque du Sénat et d'entrer à l'Académie française. Le café situé au n°1 du boulevard du Montparnasse a choisi son nom pour enseigne, témoignage de son ancrage dans notre arrondissement.

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