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SOCIETE HISTORIQUE DU VIe ARRONDISSEMENT

Les lieux, édifices et monuments

Église Saint-Germain-des-Prés, le clocher-porche

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Église Saint-Germain-des-Prés, le clocher-porche

 

L'église abbatiale aux trois tours.

 

Grâce notamment à Dom Bouillart, auteur de L’histoire de l’abbaye royale de Saint-Germain-des-Prés (1624), les dates de référence de l’église nous sont bien connues : l’an 990 voit la démolition de l’ancienne basilique mérovingienne à l’initiative de l’abbé Morard, fraîchement élu, qui lance la construction de l’édifice que nous voyons actuellement, et la pourvoit d’un clocher massif et fortifié, qu’on appelle clocher-porche, dont l’achèvement se situe assez probablement vers 1014 (la paroisse en a d’ailleurs dignement fêté le millénaire). C’est le plus ancien de Paris.

L’église abbatiale, beaucoup l’ignorent encore, fut alors flanquée de deux autres tours, accolées au transept et au chœur, celle du sud, plus haute que le clocher-porche, était alors nommée Turris magna, et celle du nord assez logiquement Turris parvus.

L’aspect d’alors était donc complètement différent de celui d’aujourd’hui, et à en juger par les quelques dessins d’Alexandre Lenoir qui nous sont parvenus (repris ci-dessous par Adolphe Berty dans sa Topographie historique du vieux Paris, 1876), l’équilibre architectural de l’église était magnifique.

 

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Vues latérales et de face de l’église abbatiale. Adolphe Berty 

 

On ne rentrera pas ici dans les détails des nombreuses mutilations subies lors de la révolution (rappelons au passage qu’elles ont perduré au profit d’opérations immobilières lancées par les urbanistes de l’empereur). L’église, endommagée et minée dans ses fondations par le salpêtre qu’on y fabriquait, fut par deux fois menacée de destruction : une première fois en 1802 sous l’impulsion de l’architecte Petit-Radel (il est proposé de ne conserver que le clocher actuel), et une deuxième fois en 1819, au vu de l’écrasement des fondations de certaines piles, celles proches des deux tours latérales notamment : la nef est alors interdite d’accès, ainsi qu’une partie du chœur. Finalement, en 1820, sous l’impulsion de l’architecte Étienne-Hippolyte Godde, la décision est prise de conserver le chœur et de restaurer la nef ; mais les deux tours, devenues trop instables de par leur charge et surtout trop coûteuses à reconstruire, disparaîtront à cette occasion.

Ceux qui connaissent l’existence de ces tours pensent souvent qu’elles ont été complètement démolies, en fait seules les parties supérieures ont été coupées. D’ailleurs, il suffit de regarder :

 

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Vue de l’église coté nord, depuis la rue de l’Abbaye, au centre de la photo, la tour nord arasée (photo Christian Chevalier).

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Vue intérieure de la tour sud, un point de vue rarement montré (photo Christian Chevalier).

La vue est en contre-plongée, on reconnait une baie murée au centre de l’image, la partie en forme carrée en haut de la photo est au toit.

 

Revenons à notre clocher-porche.

 

Jetons un œil à la toiture : les cartes postales du début XIXe nous révèlent son ancien décor, avec des arêtes renforcées, qui laisse place en 1957 à la couverture en ardoises aux arêtes lisses que nous connaissons (la rénovation prit alors plus d’un an, avec des échafaudages alors surnommés par dérision « la voilette » par les habitants). NB : les collectionneurs de photographies et de cartes postales anciennes se réfèrent souvent à ces deux aspects du clocher pour dater plus précisément leurs images.

 

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L’aspect ancien du clocher (vers 1900), et la nouvelle toiture (la « voilette » est ici en cours de démontage) en 1957. (Docs Sh6 et Christian Chevalier).

 

Concernant l’architecture de la tour, il s’agit d’un clocher-porche comme on en connaissait aux Xe et XIe siècles, tels ceux de Saint-Benoit-sur-Loire, Lesterp et Saint-Savin : une de leurs caractéristiques communes en est notamment l’agencement de l’escalier intérieur (ou des escaliers intérieurs), volontairement tortueux, avec des accès d’un niveau à l’autre délibérément difficiles (à la limite parfois de l’acrobatique), et montrant de fréquentes reprises avec des ruptures de directions propices à perdre son orientation. La vocation militaire (fortifications, baies en meurtrières, caches, etc...) de cet édifice est donc des plus évidentes. Et s’il fallait en douter, rappelons que le deuxième escalier de notre clocher millénaire (celui qu’on voit derrière une grille sur la droite en entrant, donc coté Sud, sous la tribune de l’orgue), est resté bien caché jusqu’en 1983, alors mis en évidence vers la fin des travaux de consolidation de l’édifice !

 

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L’escalier nord du clocher-porche (photos Jean-Paul Devienne, http://paris-bise-art.blogspot.com/)

 

A l’occasion de cette rénovation, débutée en 1973, rendue indispensable et urgente suite à la découverte d’une grande fissure verticale dans le clocher (le long de l’escalier Nord), la remise à jour de deux grandes baies coté sud (vers le boulevard) sur les premier et second étage, opération que peu d’habitants ont par ailleurs remarquée, révèle bien les arcs d’origine dits « outrepassés ».

 

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Le clocher porche coté sud, voir l’effet de la réouverture des baies du premier et du second étage.

 

A cette occasion, tous les parements ont pu être examinés avec soin : le parement extérieur coté nord, sur lequel de nombreuses marques lapidaires de compagnons sont bien visibles, est donc « certifié » d’origine par l’architecte Yves Boiret, alors que les trois autres façades montrent un parement rénové, par les soins de l’architecte Godde dans les années 1820 comme nous l’avons vu, mais aussi ultérieurement par les soins de Baltard, qui dirigea une deuxième rénovation globale de l’édifice en 1853.

L’escalier étroit montre de très nombreuses marques lapidaires, son parement est donc également d’origine.

 

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Marques lapidaires dans l’escalier (photos Christian Chevalier et Jean-Paul Devienne).

 

Au deuxième étage, les confortations réalisées par les équipes de Victor Baltard sont bien visibles coté intérieur : il s’agit de renforcements en briques sous les arcs dont, à l’évidence certaines pierres de la voute s’étaient déplacées.

 

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Les confortations en briques de Baltard sous les arcades de la baie (photo Christian Chevalier)

 

Cet étage présente par ailleurs une construction intérieure qui étonne quelque peu : il s’agit d’une curieuse mezzanine en bois, desservie par un escalier en pierres, probablement ancien car sa partie inférieure est prise dans la masse du mur (mais de quelle époque ?). Elle est pourvue d’un balcon également en bois et d’une porte fenêtre dont l’ouverture bute contre ce dernier... On ne connait ni l’âge ni la destination de cette mezzanine intérieure, peut être un abri pour le sonneur ?...

 

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La curieuse mezzanine en bois avec son escalier en pierre (photos Christian Chevalier).

 

Le troisième étage, juste en dessous des cloches, est couronné d’un bel ouvrage de charpente destiné à soutenir convenablement ces dernières, et présente un ensemble de deux baies murées.

 

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La charpente et les baies murées du troisième étage (Photos Christian Chevalier)

 

Le quatrième étage est celui des trois cloches. La légende a longtemps couru que rien dans son architecture n’y était d’origine et qu’il était une pure re-création de Baltard : or les travaux de restauration de 1973 ont prouvé que de nombreux matériaux, notamment des parements, arcs, impostes etc..., sont bien de l’époque de la construction.

 

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Une des trois cloches (photo Christian Chevalier)

Vue en contre plongée, la charpente est particulièrement esthétique ; nous n’avons pas trouvé de données précises sur son âge, néanmoins les photographies disponibles (et qui sont fort nombreuses), ne montrant aucune modification ni aucun travail sur le toit entre 1860 et 1957 (année, nous l’avons vu de la rénovation de la couverture), on peut en déduire qu’elle date au moins de l’époque des rénovations de Baltard (1853).

 

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Une des trois cloches. (Photos Christian Chevalier)

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Vues de la charpente en contre plongée. (Photos Christian Chevalier)

 

Vue en contre plongée, la charpente est particulièrement esthétique ; nous n’avons pas trouvé de données précises sur son âge, néanmoins les photographies disponibles (et qui sont fort nombreuses), ne montrant aucune modification ni aucun travail sur le toit entre 1860 et 1957 (année, nous l’avons vu de la rénovation de la couverture), on peut en déduire qu’elle date au moins de l’époque des rénovations de Baltard (1853).

Henri IV, dit-on, était venu contempler Paris du haut du clocher à l’époque où il faisait le siège de la ville (1589). La vue se mérite : pas de belvédère, pas de large panorama, pas de grandes ouvertures, quelques points de vue, exceptionnels néanmoins, se découvrent seulement à travers les grillages de protection, dont une magnifique vue en plongée sur la toiture de l’église vers l’est, ainsi que quelques vues vers le quartier (surtout coté nord) et vers Notre Dame.

 

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Vues depuis les troisième et quatrième étages (photos Christian Chevalier)

 

Le porche, place Saint-Germain-des-Prés

 

L’ouvrage de Dom Bouillart évoqué plus haut (1724), nous donne une illustration probablement assez précise de ce qu’était le narthex (espace intérieur du porche) à l’époque. Un linteau illustrant la Cène domine la porte, encadrée par une série de statues-colonnes couronnées à chapiteaux.

 

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Vue du porche de Saint-Germain-des Prés, Dom Bouillart (Doc. Sh6).

On sait qu’à la révolution les statues ont été détruites et les têtes du linteau ont été mutilées (excepté celle de droite qui, dit-on, était alors masquée par des confortations du XVIIe, et aurait ce fait échappé à la destruction). Disons au vu de l’état actuel, que la présentation et la préservation de ce patrimoine pourraient être quelque peu améliorées.

 

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Etat actuel du linteau, avec un zoom sur la partie droite.

 

Un point très curieux se découvre sur la face intérieure ce linteau, (dans l’église, avant la grille), il est à peine visible certes, car la pierre est quasi masquée par le toit du sas d’entrée de la porte. A l’évidence on y devine une ébauche de décor sculpté. Nous n’avons trouvé aucune référence bibliographique concernant ce détail : au vu de la similarité de cette esquisse avec le décor coté extérieur, on peut faire l’hypothèse qu’il s’agit d’une erreur du sculpteur, qui de ce fait a repris son ouvrage après avoir retourné la pierre.

 

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Revers du linteau à l’intérieur de l’église (photo Christian Chevalier).

Le portail proprement dit, même s’il n’est pas millénaire, n’en n’est pas moins esthétique, et gagnerait également à être nettoyé. Il date en fait de 1607, édifié suite à une destruction de l’ouvrage par un incendie. La tête du Christ est par contre plus tardive (XIXe).

 

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Le portail, en 2019.

CCh.

Principales sources : L’histoire de l’abbaye royale de Saint-Germain-des-Prés par Dom Bouillart (1624), Topographie historique du vieux Paris, par Adolphe Berty, (1876), L’abbatiale de Saint-Germain-des-Prés à Paris, par Yves Boiret (1983), SAINT-GERMAIN-DES-PRÉS, De la basilique du VIe siècle à l’abbatiale du XIIe siècle par Alain ERLANDE BRANDENBURG et Anne-Bénédicte MÉREL-BRANDENBURG, Bulletin de la Société historique du VIe, BULLETIN N° 18 - Années 2000-2001-2002. Merci à la Paroisse de Saint-Germain-des-Prés pour avoir grandement facilité les accès, et à Jean-Paul Devienne pour ses photos http://paris-bise-art.blogspot.com

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